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Cet été, nous vous avions proposé un article intitulé “Cet été, l’écologie s’invite dans les devoirs de vacances” dans lequel nous vous rappelions les termes tels que réchauffement climatique, transition écologique, le GIEC et les COP. Du 30 novembre au 13 décembre 2023, la COP 28 s’est déroulée à Dubaï (Émirats Arabes Unis) sous la présidence du Sultan Al Jaber. Ce dernier dirige l’ADNOC, principale compagnie pétrolière des Emirats arabes unis et il s’est fixé comme objectif d’accroître la production de 5 millions de barils d’ici 2030.
Tous les ingrédients pour que cette 28ème Conférence Des Parties (Conferences of the Parties) se termine “en eau de boudin” étaient bel et bien réunis. Les commentaires, avant et après cette conférence, ont effectivement été soit très mesurés soit extrêmement pessimistes.
Comme souvent, rien n’est vraiment tout blanc ou tout noir : des avancées, il y en a eu, importantes pour certaines mais leurs mises en place restent, malgré tout, lentes et surtout non contraignantes.
On vous résume tout ça dans cet article.
Les trois points principaux abordés
- Dresser un premier bilan de l’accord de Paris, conclu lors de la COP 21 en 2015. À l’époque, les 196 pays engagés dans les négociations s’étaient entendus sur l’objectif de maintenir la hausse de la température moyenne de la planète sous la barre des 2 °C d’ici 2100, par rapport au niveau préindustriel, en faisant tout pour limiter le réchauffement à 1,5 degré.
- Aborder la question de la réduction des énergies fossiles ce qui dans un pays membre de l’OPEP risquait d’être problématique. Qui plus est, le Président de la COP28 dirige une société pétrolière importante. Seule la COP 26 de Glasgow (en Ecosse du 31 octobre au 12 novembre 2021) avait mentionné dans ses négociations la notion de réduction de l’utilisation du charbon mais sans objectif concret.
- Indemniser les pays les plus vulnérables. En effet, il y a un an, la COP 27, organisée en Égypte, avait validé le principe de la création d’un fonds pour indemniser les « pertes et dommages » des pays les plus pauvres, davantage exposés aux conséquences du changement climatique, financé par les pays du Nord, historiquement les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Sur la base de ce principe, les discussions se sont poursuivies à Dubaï pour permettre la création de ce fonds.
Reprenons-les ensemble
Le réchauffement climatique et énergies fossiles sont liés
Le réchauffement climatique reste malheureusement encore trop rapide, 2023 étant une année de plus qui bat tous les records de chaleur.
C’est d’ailleurs, ce qui le distingue par rapport aux variations climatiques passées : rapidité du changement et émissions de CO2.
Rapidité du changement :
Le réchauffement se produit à un rythme beaucoup plus rapide que les changements climatiques passés. Les données scientifiques montrent que la température moyenne mondiale a augmenté d’environ 1 degré Celsius depuis la fin du 19e siècle, principalement en raison des émissions de gaz à effet de serre d’origine humaine.
Comparativement, les variations climatiques naturelles se produisaient sur des périodes beaucoup plus longues, s’étalant sur des milliers à des millions d’années : après la dernière ère glaciaire, il a fallu quinze mille ans pour que la température mondiale augmente de 5 °C.
Causes anthropiques :
Il est légitime d’être sidéré – c’est-à-dire frappé d’un étonnement extrême – par la rapidité de ce réchauffement et de ses conséquences pour l’ensemble de la planète, comme il l’est tout autant de pratiquer une sorte de déni, tant l’information est anxiogène puisque notre avenir semble être apocalyptique, si rien ne change. Enfin, il est constant chez l’être humain de refuser, de prime abord, de changer spontanément ses habitudes et son mode de vie.
Tout cela est vrai et tout à fait entendable mais malheureusement, il n’y a aucun débat à avoir sur ce sujet : le réchauffement climatique actuel est bel et bien dû aux activités humaines et, en particulier à la combustion d’énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz naturel) qui libère d’importantes quantités de dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère et à la déforestation. Ces émissions de gaz à effet de serre provoquent un effet de serre accru, piégeant la chaleur près de la surface de la Terre. Quant aux variations climatiques passées, elles étaient principalement le résultat de facteurs naturels tels que les variations orbitales de la Terre, les éruptions volcaniques massives ou les changements dans l’activité solaire.
Comment les humains modifient-ils le climat ?
Au cours des 11 000 ans qui ont précédé la révolution industrielle, la température moyenne dans le monde était stable à environ 14°C. La révolution industrielle a commencé vers 1850 lorsque les humains ont commencé à brûler des combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et le gaz.
Si cette combustion produit de l’énergie, elle libère également des gaz à effet de serre (GES) tels que le dioxyde de carbone, le méthane et le monoxyde d’azote dans l’air. Au fil du temps, de grandes quantités de ces gaz se sont accumulées dans l’atmosphère.
Or, Le dioxyde de carbone (CO2) dans l’atmosphère ne s’évapore pas
“Le CO2 est un oxyde, c’est donc une molécule chimiquement stable. Quand vous mettez une molécule chimiquement stable dans l’air et bien la molécule reste comme elle est, elle n’a pas envie de changer ce qui veut dire que le CO2, une fois qu’il est mis dans l’air, il est inaltérable, il n’a pas de processus spontané d’épuration.
Pour que le CO2 sorte de l’atmosphère, il faut qu’il revienne au contact du sol, où là, il est soit repris par la végétation, avec l’aide d’un photon ou bien il y a un phénomène de vase communicant entre l’atmosphère et l’océan, ce que les physiciens appellent un équilibrage de pression partielle.
Ces deux phénomènes sont des phénomènes lents. Alors la conséquence de cette affaire, c’est qu’une fois qu’on a créé un surplus de CO2 dans l’atmosphère et bien un siècle après l’arrêt des émissions, il y a la moitié du surplus de CO2 qui est toujours dans l’air ; 1 000 ans après l’arrêt des émissions, il y a un quart du surplus qui est toujours dans l’air ; 10 000 ans après l’arrêt des émissions, il y a toujours 10 à 15% du surplus qui est toujours dans l’air.
Ce qui veut dire que l’état de l’atmosphère ne reviendra jamais au niveau des temps historiques, comme l’atmosphère était avant le début de l’ère industrielle. Donc une partie de la dérive climatique qu’on a mise en route est inarrêtable, notamment sur la hausse du niveau de l’océan, sur la fonte d’une partie de la cryosphère etc. et quoi qu’on fasse à partir de maintenant.” Interview de @Jean-Marc JANCOVICI
Et en France ?
Ce n’est malheureusement pas mieux ! La pandémie en 2020-21 et la baisse de la croissance depuis un an ont évidemment réduit nos émissions et il est vrai que l’on constate une réelle baisse en 30 ans (voir graphique ci-dessous). Cependant, le rythme est largement insuffisant au regard de l’évolution actuelle.
Quant au réchauffement climatique, la France, évidement, n’y échappe pas, même avec un scénario dit optimiste (graphique ci-dessous) : il devrait osciller en +2° et +4° d’ici 2100.
Pourquoi vouloir maintenir la hausse de la température moyenne de la planète sous la barre des 2 °C d’ici 2100 ?
Le réchauffement accéléré de la planète a un impact généralisé sur le système climatique mondial, avec des effets observés dans de nombreux aspects de l’environnement. Par exemple, on constate l’élévation du niveau de la mer due à la fonte des glaciers et des calottes glaciaires, l’acidification des océans en raison de l’absorption accrue de CO2, l’intensification des événements météorologiques extrêmes tels que les tempêtes, les sécheresses, les inondations et les vagues de chaleur, ainsi que les perturbations des écosystèmes et de la biodiversité. Les variations climatiques passées étaient souvent plus locales ou régionales et n’avaient pas d’impact mondial aussi étendu.
Indemniser les pays les plus vulnérables
Les efforts nécessaires pour atténuer le changement climatique dépendent essentiellement de l’Union européenne (responsable d’une grande partie des émissions mondiales passées) et des autres grands pays émetteurs (États-Unis, Russie et Chine en particulier). Leurs émissions de CO2 par habitant restent nettement plus élevées que dans le reste du monde.
Or, ce sont les pays qui produisent le moins de CO2 aujourd’hui qui sont les plus vulnérables au réchauffement et aux bouleversements climatiques d’ici 2100, avec notamment de forts risques de pénuries alimentaires, d’eau et de problèmes sanitaires graves. Il s’agit principalement du continent africain et de l’Asie (hors Inde, Chine et Japon).
Nous connaissions les réfugiés, fuyant leur pays en guerre ou soumis à des dictatures brutales : en 1979, la France accueillait 120 000 réfugiés vietnamiens, laotiens et cambodgiens dits les “Boat People” ; les réfugiés de la guerre civile syrienne constituaient en 2015 la plus importante population de réfugiés au monde : plus de 6 millions de personnes sur une population totale de 22 millions ont fui la Syrie entre 2014 et 2021.
Nous connaissons aussi les réfugiés économiques. Selon les chiffres communiqués par la police aux frontières américaines, près de 10 000 personnes sont arrivées chaque jour à la frontière sud des Etats-Unis en décembre 2023. D’octobre 2022 à septembre 2023, 3,2 millions de migrants se sont rendus aux autorités américaines contre 2,7 millions lors de la précédente période, selon le département des douanes américain.
Nous allons donc connaître très certainement des réfugiés climatiques dans les toutes prochaines années.
Quel bilan de la COP 28 ?
En début de cette matinée du mercredi 13 décembre 2023, après deux semaines de négociations, les presque 200 pays présents à la COP 28 de Dubaï ont trouvé un accord. Adopté à l’unanimité, il mentionne pour la première fois l’objectif d’une sortie des énergies fossiles.
Cependant, quel est le réel bilan de la COP 28 ?
Le (tout) début de la fin des énergies fossiles
Ce qui est intéressant :
Qualifié de fait “historique”, cette COP a débouché, après de dures négociations, sur un engagement des Etats à “opérer une transition en dehors des énergies fossiles”. Il s’agit d’un signal politique et économique inédit, qui acte le début de la fin des énergies fossiles. La preuve enfin que la mobilisation de la société civile et de nombreux Etats commence à payer.
Concrètement, les états sont tombés d’accord sur un objectif mondial de triplement des capacités d’énergies renouvelables et de doublement des gains en efficacité énergétique d’ici à 2030.
Ce qui minore la décision prise :
Cependant, aucun chiffre ni sur le rythme ou le terme de cette transition et encore moins sur les baisses de consommation en volume.
Par ailleurs, le texte adopté prône le recours à des dispositifs de capture et de stockage du carbone qui pose quelques questions:
- En utilisant ces nouvelles technologies, on renonce à réduire les émissions de GES en privilégiant leur captation pour éviter leur dispersion. D’une certaine façon, les industriels contournent la question essentielle.
- La technologie de captage pour stockage ou utilisation du carbone – CCUS pour Carbon Capture Usage and Storage – est une technologie très coûteuse et consommatrice d’énergie et elle est seulement compatible avec quelques sites industriels. Ce n’est donc pas une solution de grande échelle, ce qui est pourtant nécessaire vue l’urgence de la crise climatique.
Enfin, le gaz, étant considéré comme une énergie fossile moins polluante (alors que le GIEC dit tout à fait l’inverse) est exclu de ce désengagement et le nucléaire a repris tous ses droits comme énergie décarbonée. Quand on voit qui produit du gaz dans le monde, on reste sceptique sur les efforts pour réduire la hausse des températures :
Création d’un fonds pour indemniser les « pertes et dommages » des pays les plus pauvres
Ce qui est intéressant :
C’est lors de la COP27, réunie à Charm El-Cheikh (Egypte) qu’il a été décidé de créer un fonds pour les « pertes et dommages », afin d’aider financièrement les pays touchés par ces dégâts irréversibles dus au dérèglement climatique (cyclones, inondations, etc.). C’est l’aboutissement d’une demande que les pays du Sud portent depuis trente ans. Cependant, le texte de décision de la COP27 ne précisait ni ses contours, ni ne répondait aux questions épineuses de ses contributeurs et de ses bénéficiaires telles que : quels seront les critères de vulnérabilité qui décideront quels pays peuvent en bénéficier ?
Ce qui minore la décision prise :
La COP 28 entendait donc poursuivre le travail de la COP 27, en l’accompagnant des premières promesses de financements, notamment de la part de la France ou des Emirats Arabes Unis. Mais avec près de 800 millions de dollars promis au total alors que les besoins pourraient atteindre les 500 milliards par an, le montant de ces premières contributions paraît ridiculement bas.
Un Objectif Mondial pour l’Adaptation
Ce qui est intéressant :
C’est un texte qui liste les principales mesures à prendre pour adapter les systèmes agricoles, la gestion de l’eau ou encore les infrastructures au changement climatique, en incitant à mettre en œuvre des plans d’action appropriés.
Ce qui minore la décision prise :
Malheureusement, il est dépourvu d’indicateurs précis et n’est accompagné d’aucun engagement financier des pays développés vers les pays du Sud. Les pays riches se sont contentés de rappeler leur promesse de doubler leurs financements pour l’adaptation d’ici à 2025 et ont donné moins de 200 millions de dollars au Fonds de l’ONU pour l’Adaptation.
Une nouvelle place reconnue à l’Océan
Ce qui est intéressant :
L’océan a enfin reçu une reconnaissance, jusqu’alors ignorée, de sa contribution à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris. En effet, l’océan est un allié précieux pour la planète car à lui seul, il capte près de 90 % du surplus de chaleur lié au réchauffement de l’atmosphère et 25 % du C02 produit par les activités humaines.
Ce qui minore la décision prise :
Bien que le potentiel d’atténuation et d’adaptation de l’océan soit reconnu, il l’est seulement parmi les autres orientations et pistes pour l’avenir.
Or, d’après Copernicus, le programme d’observation de la Terre de l’Union Européenne, l’été 2023 a connu les températures moyennes mensuelles à la surface de la mer les plus élevées jamais enregistrées. On peut également ajouter la pollution des mers et des océans par le plastique sous toutes ses formes. Il semble donc qu’il y ait là encore urgence à intervenir.
Ce qu'il faut retenir de la COP 28
Les points positifs
Le Global Stocktake ou Bilan Mondial affirme que les décisions et orientations prises, lors de l’Accord de Paris en 2015, doivent être soutenues et poursuivies. Le document final de cette COP 28 pointe, de façon inédite, la responsabilité des énergies fossiles dans l’accélération du dérèglement climatique et passe un message important, celui de se diriger vers une planète sans énergies fossiles.
Le fonds pour indemniser les « pertes et dommages » des pays les plus pauvres a reçu ses premières dotations, même si elles apparaissent presque dérisoires face aux défis à relever.
Qu’il s’agisse du préambule ou de la section consacrée aux orientations et pistes pour l’avenir, le potentiel d’atténuation et d’adaptation de l’océan a été pleinement reconnu comme faisant partie des solutions pour faire face aux crises du climat et de la biodiversité, ce qui est clairement encourageant.
Les CDN (Contribution Déterminées au niveau National) qui sont les plans d’actions des différentes parties pour respecter le texte signé le 13/12/2023, devront, en 2025, clairement indiquer comment elles adaptent leur production et leur consommation d’énergies fossiles. L’an dernier, 95% des 195 parties signataires ont envoyé leur CDN à l’ONU, ce qui est un échantillon représentatif de l’engagement des parties.
Les points qui nous laissent dubitatifs
Mais les orientations et pistes proposées par le Bilan Mondial reposent principalement sur la bonne volonté des Etats ce qui affaiblit de ce fait le document. Ainsi, on peut déjà prédire que si Donald Trump est réélu Président des Etats Unis en 2024, ce pays refusera cet accord voire renforcera l’exploitation de tous les gisements d’énergies fossiles possibles. Les Etats-Unis sont déjà aujourd’hui le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre en valeur absolue après la Chine.
Tout est en place pour une réelle évolution vers une transition écologique durable et efficace … sauf la volonté politique des gouvernants d’aujourd’hui de sauver la planète puisqu’il n’y a aucun objectif chiffré ni en volume ni en durée et aucune obligation de résultat, chaque pays faisant ce qu’il peut à son échelle.
Si l’urgence sur le climat n’était pas aussi forte, cela pourrait être encourageant. Mais selon Copernicus, l’année 2023 est l’année la plus chaude depuis le début de l’ère préindustrielle (1850-1900). À l’échelle du globe, les 11 premiers mois de 2023 ont été si chauds que les températures mondiales de décembre ne pourront pas peser sur ce classement. 2023 dépasse 2016 (2e année la plus chaude) et 2020 (3e année la plus chaude). L’anomalie de température mondiale relevé sur l’année 2023 jusque fin octobre est de +1,4 °C par rapport à l’ère préindustrielle. Pour rappel, l’accord de Paris avait fixé pour objectif de limiter le réchauffement global en dessous de +1,5 °C par rapport au préindustriel (source Météo France).
Il y a donc encore un long chemin devant nous …
Cet article a été écrit par Hélène Gonzalez,
rédactrice curieuse et passionnée
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Photo de couverture : ma-ti-YeMFV8ndxrM-unsplash
Sources et Informations :
https://www.carbone4.com/analyse-faq-energie-climat