Soucieux de trouver une alternative éthique, durable et respectueuse de l’environnement au cuir traditionnel, nous vous proposons un focus sur le cuir dit végétal (origine et méthodes de production) ainsi que les labels qui le garantissent comme étant écoresponsable. Voyons ensemble quels en sont les avantages et les limites.
Avant de présenter ce qu’est le cuir dit végétal, commençons par comprendre le procédé du tannage du cuir.
Le tannage : de la peau au cuir
Le tannage est un procédé qui permet de transformer la peau (matériau putrescible) en cuir (matériau imputrescible et résistant). Il est difficile de dater précisément cette invention mais les cuirs les plus anciens remontent approximativement à 8 000 ans avant J.C. Si le Moyen Âge marque la naissance des métiers du cuir, la tannerie demeure une industrie d’appoint, familiale et rurale jusqu’à la fin du XVIIIème siècle. Les différentes opérations de tannage sont d’ailleurs décrites dans l’Encyclopédie de Diderot (1751) aux articles « cuirs », « corroyer », « tanner ».
Aujourd’hui encore, beaucoup de gestes sont inchangés et l’évolution porte surtout sur les produits permettant d’optimiser les étapes. La première d’entre elles transforme la peau brute en peau prête à être tannée. C’est le travail de rivière. Le tannage proprement dit commence avec le trempage, dans des foulons, de la peau stabilisée avec des agents tannants. Les plus anciens sont les tannins végétaux (écorces d’arbres, feuilles, racines), encore utilisés pour fabriquer le cuir à tannage végétal. Mais le plus répandu – 85% de la production mondiale – est le tannage au chrome, sous sa forme chrome III (sulfate de chrome).
Le tannage au chrome a été mis au point à la fin du 19ème siècle. C’est le tannage le plus facile à mettre en œuvre et le plus rapide. En Europe, ce qui n’est pas vrai pour le cuir en provenance d’Asie, tous les cuirs sont certifiés REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals). Cette réglementation, entrée en vigueur en 2007, vise à sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques nocives, pour la santé humaine et l’environnement.
En effet, le chrome n’est pas sans danger pour l’environnement : lors du tannage, des rejets d’effluents (boues) chargés en chrome, métal lourd et toxique sont parfois abandonnés dans la nature ; pour les personnes (tanneurs et mégissiers) qui travaillent au contact du cuir dans des tanneries peu réglementées ; et pour les consommateurs et consommatrices (en 2017, “60 Millions de consommateurs” faisaient part de témoignages de consommateurs énumérant démangeaisons, plaques rouges et brûlure après avoir porté des chaussures neuves en cuir).
Ainsi, le cuir animal pose bien deux questions importantes : le bien-être animal (leurs transports et la situation de certains abattoirs) et la protection de l’environnement (biodiversité et santé).

Qu'est-ce que le "cuir végétal" ?
- Une grande partie du cuir “végétalien” courant est fabriqué à partir de deux polymères plastiques différents : le polyuréthane (PU) et le chlorure de polyvinyle (PVC), en raison de la texture plissée qui donne l’effet du cuir véritable.
L’autre partie est issue de matériaux innovants et durables tels que des feuilles d’ananas, du liège, des épluchures de pommes, d’autres déchets de fruits ou du plastique recyclé.
Les propriétés de ces matières premières sont ensuite modifiées pour créer un matériau similaire au cuir traditionnel. Ce processus de fabrication peut se faire selon plusieurs méthodes, dont les principales sont le tannage végétal et le tannage au chrome … techniques également utilisées pour le cuir animal.
Les matériaux innovants et durables, couramment utilisés, sont le champignon, l’ananas, la pomme et le liège.
- Le champignon, également appelé “cuir de champignon”, est un matériau durable et biodégradable qui est fabriqué à partir de racines de champignons. Elles sont cultivées dans un environnement contrôlé pour créer un tissu dense et résistant qui peut être utilisé pour créer des chaussures et des vêtements. La marque américaine MycoWorks utilise cette matière première pour créer son “cuir végétal” appelé “Reishi”.
- L’ananas est un autre matériau végétal utilisé pour fabriquer du “cuir végétal”. Le cuir d’ananas, également connu sous le nom de Piñatex, est fabriqué à partir de fibres de feuilles d’ananas. Cette matière est non seulement écologique, mais aussi très résistante. Nae Vegan Shoes est une marque de chaussures portugaise qui utilise ce matériau par exemple.
- Le cuir de pommes est également une option souvent utilisée par les marques de mode éco responsables. Ce matériau est fabriqué à partir de restes de pommes qui sont transformés en une matière similaire au cuir. La marque allemande Womsh utilise cette matière pour ses chaussures.
- Le liège est également un choix courant pour les marques qui cherchent à fabriquer du “cuir végétal”. Le liège est un matériau durable et écologique qui est récolté à partir de l’écorce de l’arbre à liège. Ce matériau est souvent utilisé pour créer des accessoires tels que des portefeuilles, mais peut également être utilisé pour créer des chaussures et des vêtements.

Les labels environnementaux pertinents
Pour garantir que les produits en “cuir végétal” sont fabriqués de manière éthique et responsable, il existe plusieurs labels environnementaux pertinents.
Le label Oeko-Tex certifie que les matériaux utilisés dans la production sont exempts de produits chimiques nocifs pour la santé humaine et l’environnement.
Le label GOTS (Global Organic Textile Standard) certifie que les produits ont été fabriqués selon des normes environnementales et sociales strictes.
Quant aux labels et certifications tels que Vegan, Fair Trade et PETA, ils sont un gage de la durabilité et de l’éthique des marques.
D’une façon générale, les labels et certifications sont des repères efficaces pour valider la production et la fabrication écoresponsables des marques qui y sont associées.
Le "cuir végétal" est-il la panacée ?
Des avantages certains
Tout d’abord, il participe à la protection animale pour certaines espèces menacées ; ensuite, il est plus respectueux de l’environnement quand il est produit à partir de matières premières renouvelables, recyclées et biologiques ; enfin, il est plus léger que le cuir traditionnel, ce qui peut le rendre plus confortable à porter.
Mais un nom, un peu trompe l’œil quand même !
Le terme “végan” associé au mot “cuir” est incorrect. Un cuir (en latin corium, peau), par définition, ne peut pas être végan puisqu’il est la peau des animaux séparée de la chair, tannée et préparée. Le cuir est donc forcément d’origine animale. Quant au “cuir végétal”, il renvoie au type de tannage réalisé. Un tannage végétal donne un cuir végétal à partir de tannins végétaux (écorces d’arbres, feuilles, racines). Le deuxième type de traitement possible est le tannage minéral, à base le plus souvent de sulfate de chrome.
Les termes les plus appropriés sont donc : simili cuir végan ou simili cuir végétal.
La comparaison entre le cuir animal et le simili cuir végétal ne s’arrête pas là. Le FILK (Institute For Leather & Synthetic Materials), institut allemand d’essai et de recherche spécialisé notamment dans les services aux fabricants de cuir, a récemment rendu public une étude comparative sur les propriétés physiques de dix matières : le cuir et neuf matières dites alternatives à base de cactus, pomme, ananas, champignons et autres végétaux.
Cette étude révèle que ces matières alternatives ne présentent pas les qualités naturelles du cuir en matière d’usage, de longévité et de résistance à la craquelure, à la perméabilité, à l’absorption de l’eau et à la déchirure.
En d’autres termes, le cuir animal est plus durable et plus résistant que le simili cuir végétal.
Un matériau qui a aussi un impact écologique
Ce simili cuir végétal n’est ni 100% végétal ni sans impact pour l’environnement. Pour aboutir à une matière souple, se rapprochant du cuir animal, des substances chimiques de synthèse sont utilisées (polyuréthane ou PU et chlorure de polyvinyle ou PVC notamment).
Ensuite, que ce soit le champignon poussant dans les forêts tropicales ou les ananas, la distance entre leur origine de production, les sites de transformation et les ateliers de confection va avoir forcément un bilan carbone plus ou moins impactant.
Enfin, de nombreuses marques de “fast fashion” utilisent du simili cuir végan parce qu’il est plus facile et moins cher à obtenir. La plupart des produits sont de mauvaise qualité et non durables, car leur courte durée de vie entraîne l’utilisation de matériaux en cuir plastique bon marché qui finiront dans des décharges pendant des siècles.

Devenir consciemment responsable de notre consommation
L’engagement écologique nous oblige à faire la balance entre les prix et la plus grande durabilité des produits ; entre l’acte militant (protection animale, matériaux biosourcés, recyclés …) et notre porte-monnaie. Ainsi, pour l’achat de produits en simili cuir végétal, il va falloir se poser des questions simples mais sérieuses comme par exemple :
- La protection animale, notamment des espèces menacées, est votre préoccupation prioritaire ? Vous décidez donc de ne plus acheter ni sacs ni accessoires ni chaussures en cuir animal. Le simili cuir végétal devient alors une alternative possible.
- La baisse drastique de l’utilisation du plastique, sous quelle forme que ce soit, est votre objectif ? Vous ne voulez donc plus de plastique même à vos pieds. Le simili cuir végétal n’est alors que moyennement satisfaisant puisqu’il contient toujours une part de PU (ou matière équivalente).
- Acheter éco-responsable est votre démarche sur tous les produits de consommation ? Vous cherchez donc à diversifier vos achats. Une paire de chaussures ou un sac en simili cuir peuvent donc intégrer votre garde-robe, dès lors que vous les avez achetés ou commandés chez une enseigne réellement éco-responsable et si vous en avez aussi réellement besoin (méthode BISOU)
- Vous avez décidé de privilégier la durabilité des vêtements que vous achetez ? Le choix d’acheter une “bonne paire” de chaussures en cuir, après avoir vérifié les conditions de fabrication (animaux, environnement, salariés …) est aussi éco-responsable.
“La véritable défense des valeurs consiste à vivre en fonction d’elles.” nous dit Albert Schweitzer. Le changement climatique et son impact sur l’environnement nous obligent à prendre position, en cohérence avec nos valeurs, ce qui n’est ni simple ni toujours confortable.
C’est le premier pas qui est le plus difficile à faire mais c’est lui qui nous donne l’élan d’avancer dans la direction que nous avons choisie, sans culpabilité, sans stress, et avant tout, avec plaisir.
Cet article a été écrit par Hélène Gonzalez,
rédactrice curieuse et passionnée

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