Parler d’écologie reste difficile, encore aujourd’hui, alors que tous les voyants sont au rouge. Et s’il n’y avait pas une mais plein de façons différentes de parler d’écologie ? Et si on commençait par l’humour, la drôlerie, la franche rigolade ?
“Comme une impression de jour sans fin, sauf que cette année ce jour arrive plus vite que prévu… Nous ne sommes qu’au début du mois de mai, les incendies ravagent déjà l’Ouest du Canada, la canicule frappe déjà le sud de l’Europe, la France se prépare à la sécheresse… Nous voyons l’accélération du changement climatique mais souvent nos actes ne suivent pas… Alors comment expliquer ce paradoxe ? Comment passer cette fois-ci de la peur à l’action ?” Voici l’introduction de l’émission “C ce soir” diffusée le 8 mai dernier sur France 5.
On n’a pas vraiment envie de se tordre de rire en lisant ce texte et encore moins en regardant l’émission qui conclut sur le fait que toutes les personnes qui alertent tant et plus sur le réchauffement climatique n’ont toujours pas trouvé la “bonne formule” pour sensibiliser, convaincre, accompagner le passage de la réflexion à l’action concrète, qu’il s’agisse des citoyens ou des Pouvoirs Publics.
Si la peur nous empêche d'agir, est-ce que le rire pourrait nous y pousser ?
A première vue, l’écologie et l’humour peuvent sembler deux sujets éloignés l’un de l’autre. En réalité, ils peuvent être combinés de manière efficace pour transmettre des messages importants de façon amusante et surtout accessible au plus grand nombre.
En effet, le rire est un moyen de capter l’attention du public et de créer un impact émotionnel plus efficace qu’une présentation de faits.
Un seul exemple : l’énorme succès du film d’Adam MacKay diffusé sur Netflix en 2021 au titre évocateur “Don’t look up ! déni cosmique”.
Le résumé : une comète arrive sur Terre pour la détruire d’ici six mois. Le film traite de la confrontation du monde scientifique face au déni devant l’irrémédiable tant des gouvernements que de la population et ceci à la limite du grotesque. La scène de l’interview au JT des scientifiques par deux journalistes, morts de rire, est un grand moment d’anthologie !
L’humour peut aussi être utilisé pour faire passer des messages “en douceur”. Coluche avait des formules acérées et bien ciblées : ” Pour qu’un écologiste soit élu président, il faudrait que les arbres votent.”
Les dessins humoristiques sont là aussi pour nous faire réfléchir “en riant” parfois jaune quand même !

Et puis reste aussi l’autodérision parce que “nobody is perfect” ! : “Un écolo sait que la tomate est un fruit ; le sage n’en met pas dans sa salade de fruits”
L’humour est donc un révélateur comme le produit utilisé dans le développement de photos en noir et blanc ; un catalyseur, l’élément qui provoque une réaction par sa seule présence ou par son intervention ; un bienfaiteur … ce qui fait du bien mais peut-il faire plus ?
La réponse est dans la question : l’humour est un des moyens possibles aujourd’hui pour informer, éduquer, sensibiliser, se moquer des comportements hypocrites de certains “grands écolos”, dénoncer certaines pratiques écologiques nuisibles etc.
Son avantage certain est qu’il est plus efficace que les discours culpabilisateurs, moralisateurs ou donneurs de leçons.
Mais sous quelle forme l’humour est-il utilisé pour servir au mieux la cause écologique ?
Des médias parodiques
Certains créent des médias parodiques comme Albin Wagener et ses comparses qui, à travers “Malheurs actuels”, tweetent sur des malheurs liés à la crise climatiques et l’érosion de la biodiversité en faisant rire.
L’objectif est de sensibiliser à la cause environnementale en adoptant un ton humoristique.
« On veut aller plus loin et viser un public non averti » raconte Albin Wagener.
En effet, l’idée est que les internautes partagent à leurs proches, notamment sur Facebook, ce qui les a fait rire.
Des BD humoristiques
“ Procrastination écologique ” de Maité Robert, est un des nombreux albums qui consiste à utiliser l’autodérision comme un moyen de faire passer des messages sérieux par les amateurs de BD.
A travers sa BD, Maïté relève le défi d’être écolo dans la société d’aujourd’hui où tout est tentation, avec humour et autodérision.
Des films
Les films ont toujours eu pour vocation de faire passer des messages de manière émotionnelle, par le rire, les larmes, la peur, l’envie, la poésie.
Le film de d’Adam MacKay de 2021, déni cosmique au titre évocateur “Don’t look up !” dont nous avons parlé plus haut.
Avant lui, en 1996, Coline Serreau, à travers son film “La belle verte” traitait, déjà, des dérives de notre monde actuel et abordait la question en imaginant une touriste extraterrestre arrivant sur la Terre. Le film raconte que quelque part dans l’univers existe une planète dont les habitants évolués et heureux vivent en parfaite harmonie. De temps en temps, quelques-uns d’entre eux partent en excursion sur d’autres planètes. Curieusement, depuis deux cents ans plus personne ne veut aller sur la planète Terre. Or un jour, pour des raisons personnelles, une jeune femme décide de se porter volontaire. Et c’est ainsi que les Terriens la voient atterrir en plein Paris. La jeune Mila découvre des gens irascibles qui vivent dans un air irrespirable, en mangeant n’importe quoi. Elle devra faire quelques “déconnexions” pour survivre et faire évoluer certains terriens.

D’autres utilisent leur talent d’humoristes
Florent Peyre
Dans son dernier spectacle “Nature”, il interprète personnages et animaux en voie de disparition comme l’ours blanc. Une manière d’alerter le public sur les conséquences du réchauffement climatique avec humour.
Crédit photo Allociné.fr

Stéphanie Jarroux
Dans son spectacle “Bio et barge”, elle parle du Bio, sous couvert du costume de Green Girl. Elle met en relief nos contradictions du quotidien comme par exemple “Tofu la semaine et Mojito le week-end”.
L’objectif est de rire de cette contradiction bien naturelle pour s’en déculpabiliser.
Crédit photo Facebook

Ancienne journaliste environnement à Libération, Laure Noualhat alerte avec humour sur la crise environnementale.
Angoissée par l’effondrement à venir de notre civilisation, elle réagit avec sarcasme et ironie. Avec des titres accrocheurs “Comment réussir sa fin du monde ?”, “Eloge de la bêtise” ou “Les avantages du réchauffement”, Bridget utilise l’humour pour faire réagir face à la crise environnementale.
Crédit Hello Planet

Pour sa part, Guillaume Meurice, à travers ses chroniques sur France Inter dans l’émission Jupiter, utilise l’humour pour commenter les micros-trottoirs traitant des sujets d’actualités et bien souvent sur l’écologie.

Enfin, vous pouvez aussi prendre du recul avec le “téléphone vert de Cherline”.
De sa voix sucrée, Cherline alias Lénie Chérino revisite les codes du téléphone rose…Avec audace et humour elle aborde chaque mois une problématique environnementale
Ce podcast informé et dévergondé vous parlera de la crise écologique avec beaucoup d’humour et de dérision.

Selon Spinoza, la joie n’est pas seulement une émotion agréable, mais elle est aussi liée à notre capacité à comprendre et à agir de manière rationnelle. Lorsque nous sommes joyeux, notre esprit est ouvert, clair et capable de penser de manière plus efficace. La joie est donc considérée par Spinoza comme un état propice à l’intelligence et à la compréhension.
Ils / elles sont donc nombreux-ses à utiliser l’humour pour faire passer des messages toniques et efficaces. Et si en plus, cela nous fait rire … il n’y a pas de raison de s’en prive
Le bon mot de la fin
A défaut d’avoir trouvée la méthode ou la formule magique qui galvanise les foules ; qui les entraîne à modifier des comportements ravageurs pour l’environnement ; qui les motivent à exiger de leurs gouvernants des politiques concrètes et protectrices de l’environnement, il nous faut accepter d’utiliser différents biais, moyens, modes de communication pour maintenir la vigilance et permettre les prises de conscience. L’humour est un formidable outil pour démultiplier cette ambition.
A pratiquer donc sans modération … quoique, parfois … avec nuances c’est bien aussi !
Parce que comme l’a dit Pierre Desproges : ” On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde.” Il est vrai que l’humour a quelque chose de très personnel et ce qui vous fait franchement rire ne va pas obligatoirement avoir le même effet sur votre voisin : questions de sensibilité, d’éducation, de pratiques personnelles … Il existe pour certains d’entre nous une vraie frontière entre le sarcasme (moquerie ironique qui peut apparaître comme méchante) ou l’humour caustique (fait de mots d’esprit blessants et satiriques) à la Gaspard Proust et l’humour badin, “bon enfant”, “potache”.
Parce que “On peut rire de tout, mais pas pour rien.” (Pierre Dac). Et c’est vrai que certaines situations ont du mal à nous faire rire : les incendies à répétition en Amérique du Nord, les ours polaires qui se noient faute de banquises suffisamment épaisses, l’arrivée prochaine de El Nino qui entraîne un réchauffement climatique supplémentaire…
Et parce que finalement, c’est Charlie Chaplin qui a la meilleure conclusion à cet article :
“Quand un monde de déceptions et d’ennuis s’abat sur vous, si l’on ne s’abandonne pas au désespoir, on se tourne soit vers la philosophie soit vers l’humour”.
Nous, nous avons choisi l’humour. Et vous ?
Cet article a été écrit par Caroline Jouteau cofondatrice de Voie 21
Temps de lecture : 7 mn