En dehors des périodes des soldes bien réglementées (quatre semaines en hiver et quatre en été), les commerçants sont libres de proposer des réductions et des promotions quand ils le souhaitent et pour les produits qu’ils veulent. Comment consommer mieux, en se faisant raisonnablement plaisir ? Dans cet article, nous allons vous dévoiler comment notre cerveau fonctionne face aux affiches alléchantes et comment les décrypter pour consommer intelligemment.
Les soldes : un drôle de piège
Les soldes et promotions en tous genres sont des périodes où tout est fait pour exciter les consommateurs avec les risques d’acheter trop (doublons et vêtements qui ne plaisent finalement pas) et de mettre son budget prévu initialement en péril. Pour éviter les achats impulsifs et inutiles, il est important de comprendre les mécanismes qui nous poussent à acheter de façon, parfois, compulsive.
Nous avons commencé le mois dernier par trier, ranger et vider nos armoires des vêtements à conserver et ceux que nous pouvions mettre “au pays des vêtements à oublier” . Nous allons voir maintenant comment les marques et enseignes nous manipulent allègrement “à notre insu de notre plein gré” avant de photographier une bonne fois pour toute une méthode simplissime pour garder le cap et transformer nos impulsions en achats raisonnés.
Les biais cognitifs
Les biais cognitifs sont des erreurs de raisonnement qui nous amènent à prendre des décisions irrationnelles. Tels des détectives, nous allons donc décrypter les cinq principaux biais cognitifs que les marques et enseignes utilisent pour nous faire acheter plus, en particulier pendant la période des soldes.
Biais de la rareté : Les magasins utilisent souvent le biais de la rareté pour vous faire croire que les articles sont en quantité limitée et qu’il faut donc les acheter rapidement avant qu’ils ne soient tous vendus. Par exemple, les enseignes peuvent afficher des panneaux “Dernière chance” ou “Plus que quelques articles en stock” pour vous inciter à acheter plus vite. Les magasins peuvent également mettre en avant des articles en édition limitée pour vous faire sentir que vous possédez quelque chose de spécial et d’exclusif.
Biais de l’ancrage : Les enseignes de vêtements peuvent utiliser le biais de l’ancrage en fixant des prix de départ très élevés sur les articles, puis en réduisant considérablement ces prix pour les soldes. Cela vous amène à considérer que vous faites une bonne affaire car vous vous focalisez sur la réduction plutôt que sur le prix réel que vous payez. Par exemple, un vêtement affiché à 200€ avec une réduction de 50% peut paraître une bonne affaire à 100€, alors qu’en réalité, le prix de départ était peut-être gonflé.
Pour rappel, ce biais est devenu illégal depuis l’ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, entré en vigueur en mai 2022 et qui impose de nouvelles règles sur les réductions de prix. Il est donc utile d’aller voir les prix des produits qui vous intéressent avant le démarrage des soldes.
Biais de confirmation : Les boutiques de vêtements peuvent également utiliser le biais de confirmation en vous montrant des articles qui correspondent à vos préférences ou à votre historique d’achat, ce qui vous amène à croire que ces articles sont plus pertinents ou plus attrayants pour vous. Par exemple, si vous avez acheté des jeans auparavant, vous pourriez recevoir des promotions sur des jeans similaires ou des articles connexes.
Biais de la cohérence : Elles peuvent aussi utiliser le biais de la cohérence en créant des offres groupées qui vous incitent à acheter plus que ce que vous aviez initialement prévu. Par exemple, un magasin peut offrir une réduction supplémentaire si vous achetez deux articles ou plus. Une fois que vous avez décidé d’acheter un premier article, vous pouvez être incité à en acheter un deuxième pour obtenir la réduction supplémentaire.
Biais de l’urgence : Enfin, elles utilisent le biais de l’urgence en vous faisant croire que vous devez agir rapidement pour profiter de l’offre ou de la réduction. Par exemple, les magasins peuvent afficher des messages tels que “Offre limitée dans le temps” ou “Promotion de courte durée” pour vous inciter à acheter immédiatement. Vous pourriez également recevoir des offres exclusives qui ne sont disponibles que pendant une période limitée, ce qui peut vous inciter à acheter plus vite.
Ces biais cognitifs (et il y en a bien sûr beaucoup d’autres) viennent mettre en compétition nos deux systèmes de pensée différents qui peuvent influencer notre prise de décision.
Des systèmes de pensée qui jouent au ping pong
Le premier système est le système 1, qui est rapide, intuitif et automatique. Il nous permet de prendre des décisions rapides, sans avoir à réfléchir de manière trop approfondie. Par exemple, lorsque vous voyez une personne souriante, vous pouvez immédiatement vous sentir heureux ou en confiance, sans avoir à y réfléchir trop longtemps. C’est un système de pensée très utile car il nous permet de prendre des décisions rapides dans des situations d’urgence ou lorsque nous sommes sous pression.
Le deuxième système est le système 2, qui est lent, analytique et réflexif. Il nécessite une réflexion approfondie et une attention soutenue pour prendre une décision. Par exemple, si vous envisager de changer de job, vous allez réfléchir de manière approfondie et prendre en compte de nombreux facteurs différents. Le système 2 est également très utile car il nous permet de prendre des décisions plus éclairées et réfléchies, mais cela peut prendre plus de temps et d’efforts que le système 1.
Il est important de comprendre que ces deux systèmes de pensée peuvent parfois entrer en conflit. Par exemple, lorsque vous voyez un aliment délicieux, votre système 1 peut vous dire de le manger immédiatement, tandis que votre système 2 peut vous dire que ce n’est pas une bonne décision pour votre santé à long terme.
En général, nous avons tendance à utiliser le système 1 pour prendre des décisions simples et rapides, tandis que nous utilisons le système 2 pour des décisions plus complexes et importantes. Cependant, il est important de savoir que ces systèmes peuvent également être influencés par des biais cognitifs, vus plus haut mais aussi ceux tels que des préjugés ou des stéréotypes ce qui affectent nos prises de décisions
Par exemple, si nous reprenons les 5 biais cognitifs précédents :
Biais de rareté : Le système 1 peut nous pousser à saisir immédiatement une opportunité rare, tandis que le système 2 peut nous pousser à réfléchir de manière rationnelle et à peser les avantages et les inconvénients avant de prendre une décision. Par exemple, l’achat impulsif d’un produit en vente flash, c’est le système 1 qui intervient alors que le système 2 nous pousserait à évaluer si nous avons vraiment besoin de ce produit.
Biais d’ancrage : Le système 1 peut être influencé par une information initiale, tandis que le système 2 peut nous pousser à prendre en compte d’autres informations pertinentes. Par exemple, une estimation de prix élevée pour un produit peut influencer le système 1 à penser que le produit est de grande qualité, alors que le système 2 peut considérer d’autres critères pour évaluer la qualité.
Biais de confirmation. Supposons qu’une personne fasse des “haul” sur Instagram en montrant tout ce qu’elle a acheté de la marque Shein, en raison des prix pratiqués et des tendances mode des vêtements. Cet engouement peut être basé sur des facteurs émotionnels et intuitifs (système 1) plutôt que sur des informations factuelles ou des évaluations rationnelles (système 2). Malgré les preuves objectives fournies par le système 2, le système 1 de la personne peut continuer à favoriser sa marque préférée. Elle peut ignorer les critiques négatives ou les alternatives potentiellement meilleures, simplement parce que cela remettrait en question son identification personnelle et ses émotions associées à cette marque spécifique. Ce biais de confirmation peut entraîner une fermeture d’esprit vis-à-vis des autres options disponibles sur le marché de la mode.
Biais de cohérence : Imaginons maintenant que vous soyez en train de faire du shopping et que vous ayez repéré un magnifique ensemble dans votre boutique préférée. Votre système 1, qui est intuitif et rapide, est attiré par sa couleur éclatante, sa coupe flatteuse et sa mise en valeur sur le mannequin. Il vous pousse à acheter immédiatement ce magnifique ensemble qui vous ira si bien. Ensuite, votre système 2, qui est plus analytique et réfléchi, prend le relais. Il vous rappelle que vous en avez déjà trois similaires dans votre placard et que vous les portez rarement. Il examine votre budget et se demande si l’achat de ce vêtement est vraiment justifié d’autant que vous aviez prévu de faire des économies en vue d’un séjour en thalassothérapie cet hiver.
Biais d’urgence : Par exemple, une personne qui veut acheter un billet d’avion à la dernière minute (envie d’une escapade), ne prend ni le temps de comparer les prix, les horaires et les différentes compagnies aériennes sur ce même trajet ni de réévaluer son degré d’urgence ou la possibilité de prendre un autre moyen de transport. Dans ce scénario, le conflit entre le système 1 et le système 2 se manifeste par la lutte entre l’impulsion immédiate d’achat du billet d’avion (système 1) et la réflexion rationnelle qui vous rappelle les contraintes budgétaires et l’utilité réelle de cet achat là maintenant, tout de suite (système 2).
En conclusion, le système 1 et le système 2 sont deux modes de pensée différents, qui peuvent influencer notre prise de décision. Comprendre comment ces systèmes fonctionnent peut nous aider à prendre des décisions plus éclairées et à éviter les pièges des biais cognitifs.
Pour nous y aider, il existe une méthode simplissime et amusante : la méthode BISOU
La métode BISOU
La méthode B.I.S.O.U. (méthode extraite du livre “J’arrête de surconsommer” de Marie Lefèvre et Herveline Verbeken) est une philosophie de vie dont l’objectif est de consommer moins, mais aussi de consommer mieux. Elle consiste à se poser cinq questions avant chaque achat afin d’évaluer le degré de nécessité d’un objet. Pour se rappeler des cinq questions, un moyen mnémotechnique ultra efficace : B I S O U :
B comme BESOIN : « À quel besoin cet achat répond-il chez moi ? ». Est-ce qu’il s’agit d’un achat pour me réconforter, augmenter mon estime de moi, briller auprès de mes proches … ?
I comme IMMEDIAT : « Faut-il que j’achète cet objet immédiatement ? ». Une quinzaine de jours de réflexion permettent d’éviter l’achat compulsif.
S comme SEMBLABLE : « Est-ce que je possède déjà quelque chose de semblable chez moi ? ». Eviter l’accumulation d’objets dont la fonction est la même ou acheter pour remplacer (un vêtement de plusieurs années par exemple).
O comme ORIGINE : « D’où vient le produit que je souhaite acheter ? Est-il local ? Dans quelles conditions et qui l’a fabriqué ? Quelles ressources a-t-il nécessitées ? ». L’étiquette sur les produits est là pour nous donner des indications mais cela n’empêche pas de s’interroger sur la provenance et les conditions de fabrication d’un T-Shirt présenté au prix de 5 euros par exemple.
U comme UTILE : « Est-ce vraiment utile ? En ai-je vraiment besoin ? Cela va-t-il réellement révolutionné mon quotidien ou bien puis-je m’en passer ? »
En conclusion
Nous voilà donc équipé-es pour affronter avec bonne humeur et recul les prochaines soldes :
- Je sais exactement ce que j’ai dans mes armoires pour éviter les dépenses inutiles
- Je sais ce que je dois remplacer (le principe de 1 pour 1 : un pantalon acheté remplace un pantalon sur cintre chez moi) pour des achats réfléchis.
- J’ai un budget précis pour me faire plaisir (si je trouve quelque chose qui me plait vraiment, cela ne doit pas dépasser 60 euros par exemple) pour un shopping responsable.
- Je mets sur mon téléphone portable la méthode BISOU pour réviser avant de m’élancer dans les magasins et la relire au moment de mes achats pour m’assurer une consommation raisonnée.
- Je m’amuse à m’observer pendant mes achats en notant ce que mon système 1 oppose à mon système 2 pour que les soldes ne me fassent pas perdre une demi-solde !
- Enfin, je mets en place des actions concrètes qui visent au “O déchet”
Cet article a été écrit par Hélène Gonzalez,
rédactrice curieuse et passionnée
Image de l’article : artem-beliaikin-unsplash
Sources :
https://www.economie.gouv.fr/cedef/reglementation-des-soldes
“J’arrête de surconsommer” de Marie Lefèvre et Herveline Verbeken : https://www.youtube.com/watch?v=D3ULyERfYmE
Temps de lecture : 10 mn